INTERVIEW AVEC CÉDRIC TASSAN, AUTEUR DE « MON AFGHANISTAN »

Cédric Tassan, explorateur, réalisateur, et auteur, n’en est pas à son premier succès. Lauréat de l’appel à projet 2023 avec son film En Équilibre (à retrouver sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes), il a également eu l’honneur d’ouvrir l’édition 2024 du Xplore Alpes Festival avec ce film inspirant. Aujourd’hui, il revient avec un nouveau projet fascinant, Mon Afghanistan, un récit immersif de son voyage à vélo au cœur des montagnes afghanes. À travers cette interview, il partage les coulisses de cette aventure hors du commun.

Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer les montagnes afghanes après tant d’années ?

Cela fait très longtemps que je rêve d’aller en Afghanistan, plusieurs dizaines d’années. J’ai toujours été fasciné par ce pays, ses histoires et ses paysages.

L’idée d’explorer l’Afghanistan est montée crescendo jusqu’en août 2023, lorsque je me suis retrouvé au Tadjikistan, juste de l’autre côté de la frontière. Alors que je terminais une exploration épuisante des montagnes du Pamir, je longeais la frontière pendant deux jours. De l’autre côté, parfois à quelques dizaines de mètres, la vie afghane. Je faisais des signes aux Afghanes qui travaillaient dans les champs et, à ma grande surprise, elles répondaient chaleureusement. Il ne manquait plus qu’un signe pour déclencher la préparation de cette exploration.

Quels ont été les plus grands défis auxquels vous avez dû faire face lors de cette expédition ?

Sur le plan culturel, il y a un fossé immense, presque deux planètes différentes. J’ai dû laisser en France tous mes préjugés et partir avec un regard neuf.

Physiquement, ce fut une exploration extrêmement difficile. J’étais très chargé : un vélo de 32 kg, un sac à dos d’environ 7 kg. Il m’a fallu transporter tout ce matériel à plus de 4000 m d’altitude en pleine montagne. L’alimentation fut également un défi. Dans un pays où les gens survivent, l’apport calorique est souvent insuffisant. Jamais trois repas par jour, parfois deux, voire un seul le soir.

Enfin, il y a eu la pression psychologique. Les récits glaçants de ce que vivent les Afghans, les menaces des nomades armés, l’arrestation par les talibans… C’était une tension constante que je n’avais jamais ressentie dans d’autres explorations.

Qu’avez-vous appris sur vous-même en traversant ces montagnes isolées à vélo ?

J’ai appris que j’avais touché mes limites. Les montagnes afghanes sont de véritables coupes-gorges. Je ne suis pas reporter de guerre ; je cherche à rencontrer l’autre, découvrir sa culture, échanger. Pourtant, j’ai réalisé l’impossible en traversant ces montagnes, et je peux dire que j’ai eu de la chance d’en sortir vivant.

J’ai aussi appris la patience, le calme, et l’assurance dans n’importe quelle situation. Il est crucial de montrer une détermination intacte quoi qu’il arrive. Malgré les dangers, je me suis senti à ma place dans ces montagnes. C’est étrange à dire, mais j’aime le contact rude de la géographie et la simplicité de vie des montagnards.

Pouvez-vous nous parler des rencontres les plus marquantes que vous avez faites avec les habitants des montagnes afghanes ?

Une des rencontres les plus marquantes a eu lieu dans un village de montagne perdu à 3500 m, accessible uniquement par des sentiers. Les habitants n’avaient jamais vu d’étrangers : ni Russes, ni Américains, et même les talibans y montent rarement. Ces villages vivent en autarcie, sans internet ni téléphone, et doivent faire des provisions tout l’été pour survivre à l’hiver rigoureux. C’est un mode de vie qui force l’admiration et qui m’a profondément marqué.

Comment avez-vous navigué dans cet environnement complexe, avec notamment le risque des talibans locaux ?

Durant la première partie de mon aventure, où j’étais seul, j’ai tenté de garder une attitude respectueuse et ouverte. Les Afghans sont très avenants, mais il faut toujours rester maître de la situation. Quant aux talibans, j’ai été très courtois. Les contrôles sont fréquents, mais en adoptant la bonne attitude, ils ne durent jamais très longtemps.

Ensuite, j’ai été rejoint par deux cyclistes afghans venus de Kaboul. Grâce à eux, j’ai pu m’intégrer facilement dans les villages et éviter des situations potentiellement dangereuses, notamment avec les nomades armés.

Pourquoi avez-vous choisi de raconter cette aventure sous la forme d’un livre et non uniquement à travers un documentaire ?

Cette exploration a été tellement intense qu’il me semblait essentiel de laisser un témoignage écrit. J’ai vécu et vu tant de choses qu’un documentaire ne suffirait pas. Un film est limité par le temps, alors qu’un livre permet une liberté totale. Tout ne pourra pas être dit dans le film, mais le livre reflétera l’exactitude de mon expérience.

Qu’espérez-vous transmettre à vos lecteurs avec cet ouvrage ?

Je veux apporter un témoignage authentique, celui de quelqu’un qui a été sur place et vu la réalité afghane. En France, nous avons souvent une vision partielle de ce qui se passe là-bas. Avec ce livre, je souhaite éclairer davantage la vie afghane, mais aussi montrer la beauté de ce pays à travers mes photos : les paysages, les visages extraordinaires des Afghans, ce peuple qui sort de cinquante ans de guerre.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite explorer des régions aussi méconnues et reculées ?

D’y aller crescendo ! Les récits et les images ne doivent pas banaliser les dangers de ce type d’exploration. Il faut être bien préparé et réfléchir sérieusement à son projet.

Évidemment, je ne conseille pas d’aller en Afghanistan. Il faut savoir qu’il n’y a aucun lien diplomatique entre ce pays et la France depuis 2021. En cas de difficulté, il n’y a aucun soutien possible de la part de l’État français.

Retrouvez Mon Afghanistan et laissez-vous transporter par le récit fascinant de Cédric Tassan. Une immersion dans un pays aussi magnifique que complexe, racontée avec passion et sincérité.



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