Dans une interview croisée exclusive, nous avons rencontré Cédric Tassan et Baptiste pour discuter de leur documentaire « En Équilibre ». Cette aventure, née d’une rencontre fortuite, est une véritable leçon de vie et de dépassement de soi.
Pourriez-vous vous présenter chacun à votre tour ?
Cédric :
« Je suis Cédric Tassan, j’ai 47 ans cette année. Je suis réalisateur et explorateur à vélo. Depuis de nombreuses années, j’allie mes deux passions : le cyclisme, en particulier le VTT, et la prise de vues. En parallèle, je suis éditeur depuis 2005, année où j’ai créé ma maison d’édition, VTOPO. Notre cœur de métier est la publication de topo-guides, notamment pour le VTT, le gravel, le vélo de route, le trail et l’escalade. Tout est lié ! »
Baptiste :
« Je m’appelle Baptiste, j’ai 17 ans et je suis en première générale. Bien que timide et réservé, j’ai une soif de découverte et un désir constant de sortir de ma zone de confort. Je pratique le cyclisme sur route et le VTT, ainsi que la course à pied. Je suis autiste Asperger. En plus du sport, je joue de la musique (batterie, basse et guitare électrique) et j’ai fait partie de plusieurs groupes durant de nombreuses années. Je suis également engagé dans l’Opération Brioches de l’Adapei 26, pour collecter des fonds et offrir du matériel sportif ou autre. De plus, je suis porte-drapeau lors des commémorations patriotiques de ma commune, Saint-Paul-Trois-Châteaux. Actuellement, je termine mon année de Cadet de la Gendarmerie à la brigade de Valence, dans la Drôme, avec l’objectif de devenir réserviste et gendarme. »
Comment est né le projet « En Équilibre » ?
Cédric : « Tout a commencé lors de la projection de mon film ‘SARY-MOGOL’ à Saint-Paul-Trois-Châteaux, la ville de Baptiste. Après la séance et les questions-réponses, Baptiste et sa maman Émilie sont venus me voir. C’est à ce moment que Baptiste m’a fait cette demandé si une aventure commune me tentait.
Baptiste : « Le projet ‘En Équilibre’ est né d’une rencontre fortuite. Cédric présentait ses films, et à la fin de la représentation, je lui ai posé une question directe : ‘Si demain on te proposait de partir avec une personne autiste Asperger, serais-tu partant ?’ Cédric n’était pas sûr sur le moment et m’a donné ses coordonnées. Quelques mois plus tard, il m’a recontacté pour me parler d’un appel à projet de la région Auvergne Rhône-Alpes et du Xplore Festival. Quand il m’a demandé si j’étais toujours partant, je lui ai répondu sans hésiter : ‘Je ne t’aurais pas proposé de faire un film si ce n’était pas pour dire oui aujourd’hui’. Cédric a monté le projet, l’a défendu et nous avons finalement réalisé ce magnifique documentaire ensemble. »
Cédric, quel a été le moment clé qui vous a convaincu d’accepter le défi de Baptiste ?
Cédric : « J’ai pris environ deux à trois semaines pour accepter ce défi. Habitué à voyager seul, surtout en Asie Centrale, l’idée de partir avec un adolescent, porteur d’un handicap ou non, me semblait effrayante au départ. Cette perspective me semblait incompatible avec mes aventures solitaires et engagées. Cependant, en envisageant une aventure en France, j’ai commencé à voir les choses différemment, ce qui m’a finalement conduit à accepter ce défi. »
Baptiste, qu’est-ce qui vous a poussé à proposer ce défi à Cédric ?
Baptiste : « Je voulais montrer à travers ce documentaire, que je prenais ma revanche sur toutes les personnes qui n’ont pas cru en moi par le passé et de pouvoir leur montrer que le petit garçon qui avait voulu mettre fin à ses jours en primaire était toujours là, mais aujourd’hui, à 17 ans, il est devenu presque un homme. J’ai su faire face à toutes les personnes qui se sont opposées à moi par le passé. Je voulais prouver que, malgré un handicap, tout est possible. »
Pouvez-vous partager une anecdote marquante du tournage?
Cédric : « Franchement, l’invité surprise, la star du film, c’est la météo ! Il suffit de se rappeler le coup de froid de fin avril sur les Alpes… C’est exactement à ce moment-là où nous étions en tournage. Avec 20 cm de neige à 1000 m, c’est suffisamment marquant pour envisager une aventure à VTT en montagne. Le bon côté des choses, c’est la beauté de la nature dans ces moments-là. Et ça, pour un film, c’est top ! »
Comment se déroule un tournage en termes de logistique et de planification ?
Cédric : « La première étape consistait à concevoir un itinéraire adapté à Baptiste et aux exigences du tournage dans un délai précis. Avec une chaîne de télévision et un producteur derrière le projet, il est crucial de respecter une logique économique et de ne pas prolonger inutilement le tournage.
Tourner un film signifie bien plus que simplement faire du vélo ; il s’agit aussi de capturer des images de qualité, ce qui prend du temps. Sur le terrain, il nous arrive souvent de refaire des passages en VTT pour obtenir le bon cadre et l’ambiance parfaite. De plus, nous avons planifié des rencontres avec des structures spécialisées dans l’autisme, ce qui a nécessité une coordination minutieuse pour s’intégrer dans notre itinéraire.
J’ai insisté pour que notre équipe de tournage, composée de deux cadreurs, Julien et Hugo, nous accompagne constamment à vélo. Ils étaient ravis lorsque SUNN a mis à leur disposition deux vélos électriques. Nous avions également un véhicule d’assistance qui nous rejoignait à certains points stratégiques.
Concernant l’itinéraire, il était important pour moi de proposer des parcours de VTT attrayants, afin que nous puissions prendre du plaisir sur le vélo. Je voulais offrir à Baptiste une expérience inédite et lui faire découvrir ce que j’aime le plus. Cela demande une connaissance approfondie des régions traversées, et je suis heureux de pouvoir m’appuyer sur mon expérience dans l’édition de topo-guides pour cela. »
Baptiste, avez-vous déjà une expérience de tournage avant ce projet ?
Baptiste : « C’était ma toute première expérience de tournage. J’étais un peu stressé au début, mais les cameramans ont su me mettre à l’aise très rapidement. »
Comment vous adaptez-vous aux défis physiques et psychologiques du voyage ?
Baptiste : « Pour les défis physiques, j’ai varié les entraînements en alternant entre vélo de route, VTT et course à pied. Par exemple, le matin, je courais 10 km, et l’après-midi, je faisais soit 80 km de vélo de route, soit 30 à 50 km de VTT. Concernant les défis psychologiques, je savais que sortir de ma zone de confort était nécessaire. Plutôt que de me laisser intimider, j’ai vu ce tournage comme une opportunité enrichissante. Au fil du temps, je me suis progressivement adapté à cette nouvelle expérience. »
Cédric, comment gérez-vous les imprévus liés aux besoins spécifiques de Baptiste ?
Cédric : « Le plus gros défi, c’est la communication. Car de l’extérieur, avec Baptiste tout va bien. Et quand on est sur des efforts intenses dans des conditions difficiles, cela peut être dangereux. À quel moment sommes-nous très proches de sa limite ? Car tout va bien sur le moment et puis quelques minutes plus loin, ça peut totalement s’effondrer. Je lui posais régulièrement des questions et je tentais de sonder réellement son état. Aussi, je gardais en tête nos chiffres de progression, distance et dénivelé, en essayant de les mettre en perspective par rapport à un ado. »
Quelle est la plus grande leçon que vous avez apprise en travaillant ensemble ?
Cédric : « Il n’y a pas vraiment de grande leçon mais c’est plus une progression sur une série de connaissances personnelles comme le travail en équipe, la communication verbale, l’observation et la compréhension des comportements… »
Qu’espérez-vous que le public retienne de ce documentaire ?
Cédric : « Nous voulons avant tout que le public comprenne l’importance du vivre-ensemble. Bien que notre société ait fait des progrès en matière de handicap, il est essentiel de continuer à promouvoir l’ouverture et l’inclusion. Le message principal est que deux personnes très différentes peuvent unir leurs forces pour accomplir un projet commun. L’autisme est au cœur de ce documentaire, car il touche de nombreuses familles qui se retrouvent souvent en difficulté. Si ce film peut les aider à mieux comprendre leurs proches, ce serait une deuxième belle victoire. »
Comment le projet a-t-il été accueilli par France 3 et le Xplore Alpes Festival ?
Cédric : « Le projet a été accueilli avec un grand enthousiasme par France 3 et le Xplore Alpes Festival. Les équipes étaient ravies que notre film ait remporté l’appel à projet, ce qui nous a donné une énergie incroyable. Ensuite, la préparation du film avec les équipes de France 3 a été une expérience formidable. Leur soutien, tant sur le plan technique que narratif, a été inestimable. Grâce à leur aide, nous avons pu élever ce film à un niveau supérieur. »
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Baptiste, comment cette expérience vous a-t-elle transformé ?
Baptiste : « Cette expérience m’a énormément appris sur moi-même et m’a renforcé dans la confiance en mes capacités. Elle m’a permis de sortir de ma zone de confort et de relever des défis que je n’aurais jamais imaginé affronter. Cela m’a prouvé que, malgré un handicap, il est possible d’accomplir de grandes choses. »
« En Équilibre » n’est pas seulement un film, c’est une véritable leçon de vie et un hommage à la capacité humaine de surmonter les obstacles ensemble. »
