Le Grand Raid, comme un rêve d’enfant
Récit d’une course au goût particulier
“Un jour je ferais ce Grand Raid. Je traverserais l’île de La Réunion, c’est juste démant”. Voilà que c’est toujours resté dans ma tête depuis que j’ai commencé le trail. Comme un rêve d’enfant.
En trail on a des grandes courses qui sont connues, notamment le Grand Raid de La Réunion qu’on appelle La Diagonale des Fous. Cette course m’a fait basculer dans une autre dimension en termes de pratique. Au delà d’une course, c’est une culture et une fête « nationale », une fête de La Réunion. C’est comme le Tour de France: toute l’île est transcendée par cet événement. Malgré la performance, malgré le fait qu’il y ait un classement, ce n’est pas ça qu’on retient le plus mais c’est plutôt les rencontres qu’on y fait et c’est clairement quelque chose qui m’a marqué et qui me pousse aujourd’hui à aller m’entraîner toujours plus pour revivre ce genre d’aventure.
Une course aux multiples émotions.
Octobre 2019 j’embarque pour ce nouveau défi. Un défi que j’ai considéré comme un bonus car j’avais déjà bien réussi ma saison avec des grandes classiques du circuit européen. J’avais gagné la Suisse Canyon Trail et la 6000D. J’ai fini 12ème à l’UTMB et 10 semaines après me voilà à La Réunion. C’était très ambitieux d’enchaîner ces deux courses mythiques. Il y en a très peu qui le tente. Je me suis dit “si ça se passe bien tant mieux, dans tous les cas ça va être dur”.
La course partait mal. J’étais parmi les 20 favoris et on a été embarqués dans le mauvais parcours parce qu’il y avait plusieurs courses. On a perdu quasiment 45 minutes. Le groupe de poursuivants, qui eux ne se sont pas trompés, a consolidé cette avance et Grégoire Curmer a gagné la course. On n’a pas réussi à revenir sur lui. Il y a tout un mystère autour de ce fait de course.
Une course alors perdue d’avance. J’étais extrêmement déçu mais je n’ai rien lâché. Je savais que ça allait être très compliqué d’aller gagner en ayant perdu 45 min au départ mais je suis resté déterminé, j’étais en forme. Je suis remonté jusqu’à la deuxième place avec Ludovic Pommeret que je ne connaissais pas ! On s’est lié d’amitié le long de cette balade. On s’est mutuellement aidé pour remonter le plus loin possible. Sur les 20 derniers kilomètres une douleur à la jambe est parvenue mais c’était juste génial, j’ai réussi à finir 5ème donc plutôt content !
L’inattendu recherché par les traileurs.
J’était entre joie d’avoir réalisé un rêve et surtout d’avoir terminé 5ème dans ces conditions, avec l’UTMB et la 6000D dans les jambes. C’était loin d’être la course parfaite mais toutes ces difficultés ont fait que je me suis surpassé et j’ai quand même sorti un résultat. C’était le point d’apothéose de cette saison, un de mes plus beaux souvenirs.
Comme dans tout trail, on part pour une aventure, un voyage, une découverte, parce qu’on ne sait jamais comment on peut réagir au bout d’une centaine de kilomètres. Même les plus forts peuvent avoir des défaillances. Il y a des favoris, des outsiders, des monsieurs tout le monde, et là dedans on a tous une carte à jouer. Rien n’est donné à l’avance, c’est ça que j’aime et à La Réunion car la perfection n’existe pas sur cette course . Il y a toujours des problèmes d’organisation, des problèmes de balisage mais c’est tellement dur et tellement différent. C’est ça qui rend aussi cette fête très particulière, c’est qu’en fait tout est atypique, tout est différent de ce qu’on connaît.
Une course à partager.
On dit que le trail est un sport individuel mais c’est un vrai sport d’équipe. La nuit c’est sympa d’allier ses forces avec les autres, on passe un meilleur moment. C’est comme ça que je vois l’ultra, un instant de partage. Cette diagonale je l’ai partagée avec Ludovic. Tous les deux on a réussi à remonter sur Nicolas Rivière, réunionnais, devenu ami depuis. On a passé la fin de Mafate (la partie la plus dure), la fin des cirques et toutes les 40 dernières bornes tous les trois. Nicolas connaissait tout par cœur et tout le public le connaissait. De vivre ça avec lui, où il sort en plus la course de sa vie ce jour-là, c’était un épisode hors du commun. Tout une île pour son coureur affectif, c’était vraiment quelque chose de très fort.
C’est ça qui fait que l’ultra est génial : on rencontre d’autres coureurs, on crée des petites équipes, on se motive ensemble, on s’entraide, … et on lie des amitiés fortes.
Un voyage entre mer et terre, à la rencontre des réunionnais.
On revient tous avec quelque chose qui est différent des autres courses. Quelque chose qui est hors course en fait ! Le côté humain, la ferveur du sport, la difficulté, la rudesse des sentiers, les différences de température entre le jour et la nuit. Tous ces détails sur un parcours magnifique. Des forêts aux villages, des chemins aux routes, on voit de tout. On traverse une île. Partir de la mer, passer par les montagnes et revenir à la mer, c’est sensationnel. C’est un petit voyage.
C’est encore plus fort que l’UTMB. Certes c’est une grande course spectaculaire parce qu’on est à Chamonix, la mecque de l’alpinisme. Au Grand Raid, il y a toute l’île qui vit pour cette course. Les jours d’avant on se balade dans les rues avec le bracelet qui permet de récupérer le dossard, tous les gens t’accoste en te disant « ah tu vas faire le Grand Raid ». Ils connaissent tous au moins une personne dans leur entourage qui va le faire, ça démocratise complètement la course, on se sent très accueilli quelque soit notre nom.
Les Réunionnais sont très fiers d’être au cœur de l’action sur cet événement. Ils demandent à participer, à faire nos ravitos notamment. Il y a aussi des journalistes en plein milieu de la montagne, ils nous arrêtent pour nous poser des questions c’est hallucinant. C’est vraiment une fête. D’ailleurs, le départ est impressionnant. Il y a un grand feu d’artifice, des groupes de musique sur tout le front de mer pendant 5km et d’un coup on monte dans la montagne.
La diagonale des Fous, c’est 160 kilomètres à parcourir la nature sauvage, 160 kilomètres à la rencontre d’un public passionné !